Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Lelieuduvin.over-blog.com

Idées, informations, débats... sur le vin, l'oenologie, la gastronomie, la culture... Selon une approche tournée vers le plaisir, l'hédonisme, la curiosité et l'épicurisme.

Moi, j'aime la 中国 !

Publié le 6 Juillet 2013 par Philippe CUQ

Moi, j'aime la 中国 !

Si un sujet alimente régulièrement à la fois la blogosphère, le mondovino et certains fantasmes, c'est bien l'arrivée d'investisseurs chinois dans le monde français du vin. Enthousiasme pour certains, condescendance apeurée pour d'autres, hystérie franchouillarde parfois : les réactions sont bien souvent peu mesurées et très typées. Rarement équilibrées.

Pour des raisons personnelles, et tout à fait positives, j'ai un peu de mal à rester objectif avec la Chine. J'ai en effet cumulé les coups de chance et les bonnes expériences dans mes relations sino-françaises... Je tiens quand même à m'imposer un certain recul. Pas question donc de citer la Chine comme modèle de société idéale. Elle ne l'est pas. A l'inverse, il serait tout aussi stupide de la déconsidérer ou de la mépriser du haut de notre culture millénaire... qui est presque aussi ancienne que la leur ! Après tout, ils n'ont inventé avant nous que, entre autres choses, le papier, l'imprimerie, la boussole, la poudre... Alors que certains (ici : http://bonvivantetplus.blogspot.fr/2013/07/les-chinois-degustent.html) illustrent davantage leur capacité à recycler de vieux clichés datant de l'époque des guerres de l'opium, où les occidentaux s'illustrèrent encore une fois par leur humanisme désintéressé...

Les chinois boivent du vin, donc.

Eh bien tant mieux, non ? Pour une fois que nous avons une activité exportatrice et un savoir-faire mondialement reconnu, avec la capacité de répondre à tous types de demandes, qualitativement et quantitativement. Une activité qui vient quelque peu atténuer notre déficit structurel du commerce extérieur, catastrophique depuis que nos génies ont eu la merveilleuse idée de produire sans usines et d'ouvrir les bras au libéralisme financiarisé...

Les chinois aiment nos vins, donc.

Entre mon premier voyage là-bas en 2008 (un peu dans l'équivalent chinois de l'Aveyron : une province du sud, paumée et magnifique, le Guangxi) et mes dernières discussion avec des chinois intéressés par le vin, j'ai déjà vu pas mal de choses changer. C'est fou ce qu'ils apprennent vite, ces gens-là ! On dirait même qu'ils sont intelligents, curieux et ouverts ! Avec en plus une gastronomie qui - c'est mon opinion - est la meilleure du monde (avec la nôtre, faut pas déconner !), et que je me vois bien accorder avec certains de nos crus, et même en bio ou naturel !

Lors de mes premiers contacts, le vin en Chine, c'était un "marqueur social" : des grands (ou petits) crus acheté à des prix qui me laissèrent pantois, ou de la vinasse indigne, elle aussi hors de prix. Puis, progressivement, j'ai vu des chinois(es) boire et apprécier, goûter aussi bien que moi, s'en servir lors d'un repas comme une partie prenante du plaisir gastronomique et non plus comme un accessoire de mode ou de manifestation du pouvoir.

Les chinois connaissent le vin, donc.

Ils investissent dans les vignobles et rachètent château et propriétés ?!? La belle affaire... Il faut ici rassurer certains de nos amis : je me suis laissé dire que ce n'était pas pour arracher les vignes et planter du riz. Je me suis même laissé dire qu'ils investissaient pour encore développer la qualité des vins et s'appuyaient sur des français pour mener l'amélioration qualitative de leurs propriétés... En gros, c'est Axa ou Pinault quoi ? Ah, on me dit qu'à la différence de certains fonds de pensions ou investisseurs financiers français ou occidentaux, il ne seraient pas tous là pour faire cracher la machine à cash, ni pour faire des concours de b... ?

Les chinois comprennent nos vin, donc.

C'est selon moi une opportunité comme rarement nous en avons eu : le vin est quand même un outil de promotion de notre culture. Quasiment le dernier à l'heure où nos "élites" mondialisées, y compris françaises, se satisfont de parler globish et de manger tout pareil dans un "meilleur des mondes" où la marge nette fiscalement optimisée et l'EBITDA sont les seules mesures de la vie... Comment mieux se comprendre, lorsqu'on ne parle pas la langue, qu'en mangeant et buvant ensemble ? En partageant le produit de nos terres et de notre histoire que sont le vin et la cuisine ? Une sorte de "soft power" qui a le bon goût de donner du plaisir tant à celui qui l'exerce qu'à celui qui le reçoit !

Et les chinois commencent à faire du vin en Chine, donc.

Tant mieux pour eux et tant mieux pour nous : outre découvrir peut-être de nouveau cépages sur de nouveaux terroirs, nous avons là une occasion de partager (et de vendre) du savoir-faire. Et à l'heure du monde ouvert (je parle de culture et de biens immatériels) il serait illusoire de vouloir conserver jalousement des secrets sur une pratique qui de toutes façons se construit dans le temps, plus ou moins vite, mais inéluctablement une fois qu'elle est engagée. Ce sera aussi l'occasion, contrairement à ce que préconisent les "libéraux" actuels (ils seraient plutôt des sicaires au service du capital financier, cupides et sans éthique), de réfléchir aux échanges (je parle de biens de consommation) et à leur régulation, sauf à prendre le risque là-aussi de voir le moins-disant social et environnemental prendre le dessus.

Quoi qu'il en soit, j'ai eu le plaisir et la chance de pouvoir découvrir - très superficiellement - la Chine et ses coutumes, sa gastronomie, son histoire. Alors pour ma part, bienvenu(e)s en France, et profitez de notre pays et de ses vins. C'est par le partage et l'échange que nous construisons l'amitié. Au quotidien et autour d'une table, c'est encore mieux.

李白 . 月下独酌
花间一壶酒,独酌无相亲。
举杯邀明月,对影成三人。
月既不解饮,影徒随我身。
暂伴月将影,行乐须及春。
我歌月徘徊,我舞影零乱。
醒时同交欢,醉后各分散。
永结无情游,相期邈云汉。

Et comme le disait probablement Li Bai... : 干杯!

"Il n'y a rien de barbare et de sauvage en ce peuple, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas conforme à ses usages; à vrai dire, il semble que nous n'ayons d'autre critère de la vérité et de la raison que l'exemple et l’idée des opinions et des usages du pays où nous sommes."

Michel de Montaigne, Les essais

Et pour mettre la cerise chinoise sur le gâteau occidental, une immense pianiste chinoise, qui allie virtuosité et poésie... Wang Juya.

Commenter cet article
I
(Solution graphics will be consumer credit to be able to JetPens in addition to were being in combination with published authorization.
Répondre
F
Le problème n'est pas que les investisseurs soient Chinois, Russes ou Français! Mais nous en train de glisser vers monde où la terre n'appartiendra bientôt plus du tout aux paysans, et cette société féodale qui ne comprends pas que la Terre n'est pas un bien me fatigue.
Répondre
P
Je ne sais pas à partir de combien d'hectare on ne peut plus être paysan. J'en ai connus qui avaient moins de 100 hectares en céréales et qui sont allés investir à l'étranger. Ce n'est pas ma façon de voir les choses, on est d'accord. Et la terre est un bien commun de l'humanité : pour moi c’est très différent de la notion de bien marchand (ou purement spéculatif); uN PEU DANS CE SENS L0 / http://developpementdurable.revues.org/5153. J'en reviens à l'objet de mon post : j'ai lu des réactions pour tout dire racistes sur un sujet qui concerne quelque dizaines d'hectares, et je n'entends rien des mêmes personnes sur les créations de zones commerciales et d'infrastructures qui consomment la SAU (surface agricole utile) d'un département français tous les 4 ans (environ 80.000 ha par an).<br /> Comme je le disais simplement, je préfère un chinois qui investit sur 10 ou 20 hectares de GCC parce qu'il aime le vin (même s'il cherche un fonctionnement économiquement équilibré ou rentable) qu'un fonds de pension européen qui vient pour faire cracher du fric et le fera sur du blé ou des navets si ça devient plus rentable. De toutes façons, ces 20 ha ne seront pas rendus au maraîchage avant longtemps...
F
Un paysan n'ira jamais investir 3000 ha en Roumanie, il se contentera de ce qu'il a! Et je suis désolé, la Terre n'est pas un bien, c'est plus que cela. Tant que nous ne le comprendrons pas nous prenons le risque d'aller vers une catastrophe. Autant nous sommes dépendant d'elle, autant elle se fout que nous soyons là ou pas!
P
La terre est un bien commun de l'humanité. Je suis favorable à une agriculture paysanne, respectueuse de l'environnement et de l'avenir, et pour tout dire, constitué d'un réseau dense d'exploitations à taille humaine. Sur cet article, ce qui m'a fait réagir c’est surtout le fait que beaucoup de réactions sont dues au fait qu'il s'agit de chinois. Ce qui m'a fortement agacé. Après, il faut relativiser (ici en tous cas) : on parle de surfaces totalement anecdotiques consacrées à des productions qui ne sont pas vitales. Autant je trouve qu'un chinois qui investit à Pomerol sur 15 hectares, c'est un bien, surtout s'il le fait par amour du vin, autant je trouve qu'un français, fut-il paysan, qui va acheter 3000 hectares en Roumanie pour faire du pommier industriel ou du blé OGM, c'est un mal.
S
Ton article est une invitation aux voyages, en Chine cmme en France, dex pays d'arômes et de terroirs!
Répondre
P
Tu as tout à fait raison, 偲偲 !
L
«J’ai un ami qui est xénophobe. Il déteste à tel point les étrangers que lorsqu’il va dans leur pays, il ne peut pas se supporter !» (Raymond Devos)
Répondre
P
Le grand Raymond et sa logique imparable ;-)
L
«J’ai un ami qui est xénophobe. Il déteste à tel point les étrangers que lorsqu’il va dans leur pays, il ne peut pas se supporter !» (Raymond Devos)
Répondre