Trompez-vous !

Un nouveau truc "moderne" a fait son apparition il y a quelques temps (voir là ).

J'étais tranquillement en train de grignoter quelques fromages achetés chez ma voisine fromagère plusquoctogénaire avec quelques ami-e-s et quelques crus de mon cœur, lorsque qu'une consœur belge publiait un article là-dessus : allez lire La Pinardothèque, y'a un style, des convictions et c'est souvent intelligemment drôle !

Et cette consœur me fusillait la sérénité. Paf. Enfin, pas elle car je n’aime pas tuer le messager porteur de mauvaises nouvelles, mais plutôt la nouvelle elle-même...

Mais vous ne pouvez pas laisser vivre tranquille les citoyens, les buveurs de vins, les apprentis comme les experts ? Pourquoi vouloir proposer une perfection qui en plus d'être absolument illusoire et coûteuse stérilise la vie même ?

D'autant plus qu'il est fort probable que la sélection des vins sera étique à défaut d'être éthique et que l'on peut parier qu'elle portera davantage sur des références sans intérêt, style rayon de chez Nicolas ou de Grande Surface. Oui, je sais, je fais un procès d'intention... Attendons de voir à défaut de boire...

Là encore, on chemine doucement vers l'infantilisation systématique du genre humain. On dirait du Windows 8 (ou 9, ou 7.2, je sais pas...), vous savez, celui qui vous propose systématiquement 23 options ou fenêtres dont vous n'avez ni besoin ni envie mais qui prétend penser à votre place et décider ce dont vous avez besoin (pour votre bien, évidemment...).

En dehors du fait que cet article illustre de façon assez pertinente le degré zéro du journalisme, il me semble dommageable de voir notre société aller doucement mais sûrement après le prêt-à-porter vers le prêt-à-penser, le prêt-à-manger (largement déjà présents, hélas) et maintenant le prêt-à-boire... De la même façon que nous avons eu l'illustration du prêt-à-voter : pour ou contre quelqu'un ou un parti, mais jamais sans débattre des programmes. Quand ils en on un d'ailleurs, car la superficialité est tellement intégrée (et tellement pratique) pour nos impétrants qu'ils se gardent de plus en plus d'expliquer leur philosophie et se contentent de vagues promesses incantatoires, aussitôt jetées aux orties une fois élus.

Pour moi, apprendre, découvrir, comprendre (ou ne pas comprendre, mais d'essayer), changer, évoluer... sont constitutifs du bonheur, comme de la vie même. Et un processus d'apprentissage nécessite un droit à l'erreur. Se tromper, ce n'est pas une faute, c'est une étape importante qui permet de se construire dans le changement et l'apprentissage.

Alors plutôt que de laisser le pompeux marketing vous faire croire que votre vie sera parfaite une fois que vous aurez bu ce qu'on vous a dit de boire, lancez-vous sur les sentiers escarpés de la découverte et du hasard. Laissez-vous guider par vos envies, par votre plaisir, par votre caviste si vous en avez un qui ne soit pas un avatar de grande surface, et partagez-les (oui, même votre caviste !). Et tant pis si l'accord n'est pas parfait, si le moment n'est pas le plus adéquat, si le goût n'est pas précis : vous aurez appris, vous aurez été surpris, vous aurez ri, vous aurez aimé...

Trompez-vous, vous serez pardonnés. Mais faites-le sincèrement !

Ne juge pas les gens par les erreurs qu’ils ont commises, mais par ce qu’ils ont appris de celles-ci.